Entreprise, encore un recrutement en échec ? Et si la responsabilité vous en incombait ?
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Par Sophie Hautbois @work
En matière de recrutement, nous le savons, il n’existe pas de science exacte ni de recette toute faite. Vous aurez beau avoir tous les outils de recrutement imaginables, des batteries de tests censés vous prédire l’avenir, ou encore des multitudes d’entretiens, jamais vous ne saurez, avant que votre candidat ait pris ses marques et démarré, si la mayonnaise prendra.
Dans nos activités quotidiennes de conseil et lorsque nous sommes amenés à faire du recrutement, nous entendons souvent de la part des entreprises et chefs d’entreprises que leurs candidats ne font pas l’affaire ou qu’il est complexe de trouver le mouton à cinq pattes. Evidemment, la majeure partie du temps, lorsque les bonnes questions ont été posées, que les entretiens ont été sincères et transparents et réalisés dans une optique gagnant-gagnant et non pas déséquilibrée dès le départ, le recrutement est une réussite, et le candidat fait une partie de sa carrière -satisfait- dans l’entreprise. Quand, en revanche, des approches intégralement sur les compétences et l’expérience passées sont l’unique modèle, la bonne intégration se joue plutôt à pile ou face. Pourquoi ?
L’approche par les compétences : la fin d’un modèle
Nous le constatons trop souvent : le modèle ayant consisté à tout miser sur les compétences des personnes (qu’elles soient techniques ou soft) a contribué, à force de mettre presque l’entier de la responsabilité sur le collaborateur, à ce que l’entreprise, se déresponsabilise. Comment ? Au regard notamment de l’implémentation de conditions de travail satisfaisantes, et par là aussi d’un environnement de travail apprenant. Les compétences ont fait couler beaucoup d’encre depuis les années 90 : elles sont ce petit quelque chose qui décrit une forme d’intelligence, pouvant désigner la capacité d’un individu à résoudre des problèmes, à savoir agir en situation. Mais ce qui les définit précisément, c’est que, contrairement aux savoirs et aux connaissances qui peuvent être détenus indépendamment de leur mise en œuvre, les compétences ne peuvent se construire en dehors de l’action en situation. Elles sont toujours le résultat d’une rencontre entre l’individu et un environnement donné.
Je suis responsable, tu es responsable
En regardant récemment une vidéo très rafraîchissante d’Ibrahima Fall, nous nous sommes rappelés à quel point parfois il était commode de faire basculer la responsabilité sur l’autre dans le monde du travail particulièrement. Il y a quelques années, certaines déviances, (et cela existe toujours, souvent avec beaucoup de démagogie) ont poussé certaines entreprises à vouloir paternaliser le salarié, le rendre heureux, le mettre dans une disposition de confort infantilisant. Quand, à l’extrême, nous pouvons avoir des entreprises maltraitantes, usantes, tout aussi infantilisantes mais bien moins confortables. Aucun de ces deux schémas n’est le bon, on le sait.
Façonner l’environnement de travail pour l’individu
Ce qui nous saute aux yeux, avec toujours plus de force, c’est qu’aujourd’hui, ce n’est toujours pas le travailleur qu’il faut façonner mais son environnement de travail. Par conséquent, chercher des individus ayant telle ou telle compétence, – forcément par la nature même du processus du recrutement – déconnectée du réel, c’est simplement vouloir mette la responsabilité d’un mauvais processus (et donc une mauvaise discussion de négociation et d’échanges lors du recrutement) sur le dos d’un candidat.
Candidat qui se cassera les dents au premier exercice difficile parce que vous aviez mentionné « autonome » dans la fiche de poste et que vous n’avez jamais su donner les clés de l’apprentissage lors de son intégration. Lorsque ce même candidat, animé des meilleures intentions, cherchera à s’appuyer sur l’équipe parce que vous aviez vendu des relations de travail « solidaires » et qu’il sera qualifié « d’assisté » quelques semaines après son intégration, c’est que vous n’aurez pas su gérer la situation ni apporter l’aide nécessaire.
Chercher un candidat avec telle ou telle softskill ou x expérience transposable, c’est parfois simplement une vue de l’esprit. Se plaindre d’un mauvais recrutement auprès des RH ou d’un cabinet, c’est occulter totalement la partie intégration qui devrait revenir au management. Et cela constitue une « déresponsabilisation totale des entreprises quant à la non-mise en œuvre d’environnements capacitants, c’est à dire propices au développement des individus » selon l’auteur de la vidéo.
Mettre à disposition un environnement capacitant
Capacitant ? Selon les travaux de Solveig Fernagu Oudet, « On peut définir l’environnement capacitant comme un environnement qui met des ressources à disposition des individus et leur permet de les utiliser. « …il ne suffit pas d’envoyer un individu en formation pour qu’il apprenne, encore faut-il préparer son retour et lui permettre d’utiliser ses acquis… ». L’environnement capacitant se définit donc comme un environnement favorable au développement du pouvoir d’agir des individus et de leurs dispositions à apprendre. Evidemment, c’est toujours bien de le rappeler mais, la première qualité d’un environnement capacitant serait… déjà de ne pas être incapacitant !
Enfin, c’est sans doute un lieu commun de parler de coresponsabilité, et que dans cette coresponsabilité, ce n’est pas à l’Homme de s’adapter au travail mais bien au travail de s’adapter à l’Homme…
Pour aller plus loin, lire les travaux de Pierre Falzon à ce sujet, de même que les articles de Solveig Fernagu Oudet et d’Ibrahima Fall.